Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non ; car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées. Blaise PASCAL « Qu'est-ce que le moi ? » est la question qui introduit tout le texte et cependant c'est la question à laquelle Pascal ne va pas répondre tout au long du texte, mais seulement essayer de donner un esquisse de réponse. Durant le texte, on va donc s'interroger sur la nature du « moi » c'est-à-dire de la personne. Ordinairement, la personne est définie comme un tout, une unité et cependant elle est aussi une individualité qui la rend différente des autres. Pascal dans ce texte commence par étudier les qualités physiques du « moi ». Pour cela il commence avec l'exemple d'un « passant ». Etre passant est une qualité physique accidentelle. On peut être un passant pendant un moment puis ne plus l'être l'instant suivant. On ne peut pas être tout le temps un passant, ce n'est pas une qualité naturelle. Je ne suis passant que pour celui qui me regarde, mais pas en moi-même. De plus, être passant c'est être invisible aux