Tradition religieuse
Le contraste entre le caractère libéral des législations britannique, belge et néerlandaise d’une part(5) et les réserves de la législation française d’autre part, peut être expliqué par l’impact des traditions religieuses. Mais celles-ci ne sont pas seules en jeu, loin de là. L’Allemagne, pays de tradition protestante, a une législation restrictive, tout comme la Norvège et la Suède. Dans ces trois pays, les dérives eugénistes passées, vécues au demeurant dans des contextes politiques antinomiques(6), ont incité les pouvoirs publics à la plus grande prudence. Le Danemark, en revanche, de tradition luthérienne identique, mais qui n’a pas connu les mêmes expériences historiques, a une législation plutôt libérale.
Autre cas de figure, qui montre que le poids de la religion ne saurait être exagéré : alors que l’Église orthodoxe se montre sur les questions de bioéthique presque aussi intransigeante que l’Église catholique(7), la Grèce, dont on sait quelle place le clergé y occupe et quel rôle il y joue, est sur ce chapitre l’un des pays les plus libéraux d’Europe, admettant la gestation pour autrui et l’aide médicale à la procréation post-mortem. L’Italie et l’Espagne ont en commun une très forte tradition catholique ; pourtant, la première interdit le don de gamètes tandis que la seconde rémunère les donneuses d’ovocytes...
Force est de constater que les différences d’interprétation en matière de morale sont au moins aussi importantes que les facteurs religieux pour rendre compte de la diversité des législations européennes. D’origine ancienne, l’opposition entre « conséquentialistes » et « principialistes » continue de dominer implicitement les débats de bioéthique : pour les premiers, une décision ne peut être dite bonne que si ses résultats le sont. Pour les principialistes, en revanche, il existe une valeur objective ou un critère universel du Bien à l’aune duquel une décision pourra être jugée moralement bonne ou