Errant de rue en rue, me laissant porter par mes pas incertains, une seule image s’imposait à moi. Image déchaînée monopolisant mon esprit détraqué. Le regard vide, le corps frigorifié et les idées confuses, je renvoyai une bien sombre impression à tout passant ayant le malheur de croiser ma route. Mes doigts glacés cherchaient désespérement une quelconque source de chaleur sans jamais la trouver. Ma cage thoracique se soulevait au rythme de ma respiration irrégulière. Chaleur. Chaleur. Ce mot semblait gravé dans mes entrailles. Chaque parcelle de mon enveloppe charnelle me démengeait. Arrivant devant mon immeuble, me laissant hypnotiser par le petit bois se trouvant à quelques mètres , j’observai avec fascination les arbres majestueux que le vent entraînait dans une dance endiablée. Chaleur. Chaleur. Ce mot semblait me coller à la peau. Une légère hystérie me gagna. Mes gestes perdaient de leur précision, ma vision se troublait. Une boule d’anxiété s’était formée et me ravageait de l’intérieur tel un incendie ravage une forêt en quelques heures. Chaleur. Ce mot m’échappa des lèvres. Murmure inquiétant. La température ne devait pas excéder les -10 mais je bouillonnais intérieurement. Une évidence, c’était une évidence. En manque, j’étais en manque. Misérable mortel succombant aux pêchés qui dévorent les adolescents désillusionnés crevants dans les ruelles sombres. Mais après tout, n’était-ce pas ce que j’étais condamné à devenir ? Cette réalité crachait à la figure de mes rêves. Elle enfoncait un poignard empoisonné dans la blessure béante causée par l’acidité de mes remords. M’abandonnant à ma sombre destinée, je laissai la folie m’envahir. Grave erreur. Une douce utopie ma traversa quand j’allumai la première allumette. L’utopie redoubla d’intensité tandis que j’allumai la deuxième, et ainsi de suite. Les flammes dansaient d’une manière saccadée, me faisant oublier ma minable déchéance. Chaleur. Enfin. Le feu s’étendait partout. Orange. Rouge. Parfois mordoré.