Texte philo
SUR LA RELIGION
Schopenhauer
DÉMOPHÈLE
|Soit dit entre nous, mon cher et vieil ami, il me déplaît qu'à l'occasion tu manifestes ta compétence philosophique par des |
|sarcasmes, et même une raillerie ouverte à l'encontre de la religion. À chacun, sa foi religieuse est sacrée; il devrait en être|
|par conséquent de même pour toi. |
PHILALÈTHE
|Je nie la conséquence ! Je ne vois pas pourquoi je devrais, en raison de l'ingénuité d'autrui, respecter le mensonge et la |
|tromperie. En tout lieu je respecte la vérité, mais non, pour cette raison précise, ce qui lui est contraire. Jamais sur terre |
|ne brillera la vérité aussi longtemps que vous en entraverez d'une telle façon les inspirations. Ma maxime est : « Que la vérité|
|soit, le monde dût-il périr », conforme à celle du juriste : « Que la justice soit, le monde dût-il périr.» Chaque faculté |
|devrait avoir une formule analogue pour devis. |
DÉMOPHÈLE
|Voici alors celle que devrait avoir la faculté de médecine : « Que les pilules soient, le monde dût-il périr », laquelle serait |
|la plus facile à appliquer. |
PHILALÈTHE
|Que le ciel nous préserve ! Tout est à prendre avec un grain de sel. |
DÉMOPHÈLE
|Eh bien, soit. Mais, pour cette raison même, je voudrais que tu entendes également la religion avec un grain de sel et |
|reconnaisses la nécessité de remédier au besoin du peuple en fonction de sa capacité de conception. La religion est le seul |
|moyen de faire connaître et de rendre sensible la haute signification de la vie au sentiment grossier et à l'entendement |
|indocile de la foule