Texte et questions Uranus Marcel Aymé
Dans ce roman, l’auteur raconte comment, à la fin de la deuxième guerre mondiale, un cafetier, Léopold, accueille dans son café un professeur et ses élèves, qui récitent maladroitement des vers d’Andromaque. Il se prend de passion pour la pièce et pour le personnage éponyme, qui lui permettent d’oublier ses soucis de tous les jours.
Tout en marchant, Léopold se laissa distraire de sa colère par le souvenir d’Andromaque. Ces gens qui tournaient autour de la veuve d’Hector, ce n’était pas du monde bien intéressant non plus. Des rancuniers qui ne pensaient qu’à leurs histoires de coucheries. Comme disait la veuve « Faut-il qu’un si grand cœur montre tant de faiblesse ? » Quand on a affaire à une femme si bien, songeait-il, on ne va pas penser à la bagatelle. Lui, Léopold, il aurait eu honte, surtout que les femmes, quand on un peu d’argent de côté, ce n’est pas ce qui manque. Il se plût à imaginer une évasion dont il était le héros désintéressé. Arrivant un soir au palais de Pyrrhus, il achetait la complicité du portier, et, la nuit venue, s’introduisait dans la chambre d’Andromaque. La veuve était justement dans les larmes, à cause de Pyrrhus qui lui avait encore cassé les pieds pour le mariage. Léopold l’assurait de son dévouement respectueux, promettant qu’elle serait bientôt libre sans qu’il lui en coûte seulement un sou et finissait pas dire « Passez-moi Astyanax, on va filer en douce. » Ces paroles, il les répéta plusieurs fois, et il y prit un plaisir étrange, un peu troublant. « Passez-moi Astyanax, on va filer en douce. » Il lui semblait voir poindre comme une lueur à l’horizon de sa pensée. Soudain, il s’arrêta au milieu de la rue, son cœur se mit à battre avec violence et il récita lentement :
Passez-moi Astyanax, on va filer en douce. Incontestablement, c’était un vers, un vrai de douze pieds. Et quelle cadence, quelle majestueux balancement. « Passez-moi Astyanax… »Léopold, ébloui, ne se