Pour quelqu'un dont « les deux madeleines de Proust » sont « les petites robes Liberty » de son enfance et « les visuels de Sarah Moon » qui tapissaient sa chambre de jeune fille, la direction générale de Cacharel n'est certainement pas un poste comme un autre. Ce « lien affectif » fort avec la marque créée en 1962 par Jean Bousquet a sans aucun doute pesé lourd dans la décision de Chrystel Abadie d'abandonner les rênes de Puig France pour prendre, à tout juste quarante ans, celles de Cacharel, dont Jean Bousquet lui cède la gestion opérationnelle tout en conservant la haute main sur les choix stratégiques. Un autre facteur décisif a été la personnalité du président-fondateur de la société nîmoise. Un homme que cette spécialiste des parfums n'avait jamais rencontré avant son recrutement, au printemps dernier, mais qui l'« intriguait » depuis longtemps. « Son choix de faire appel dès 2000 à un couple de créateurs anglais, le duo Clements-Ribeiro, m'avait interpellée. Je me demandais comment lui était venue cette idée risquée à l'époque, mais qui s'est depuis révélée juste. C'est d'ailleurs l'une des toutes premières questions que je lui ai posées quand je l'ai vu », se souvient la nouvelle directrice générale.
Née de parents fonctionnaires dans un environnement rural _ la petite ville de Saint-Gaudens, au pied des Pyrénées _, Chrystel Abadie a grandi « loin du monde de l'entreprise... et encore plus loin de celui du luxe ». Loin des yeux, mais pas loin du coeur. Fascinée par l'univers d'un Yves Saint Laurent, la jeune femme caressera le même rêve pendant des années : créer sa propre maison de couture. La naïve bonne foi avec laquelle elle avouera cette ambition à ses examinateurs lui vaudra d'ailleurs de décrocher une bonne note à l'oral d'HEC.
Mais le plus court chemin d'un point à un autre n'est pas forcément la ligne droite, du moins lorsqu'il s'agit de parcours professionnels. A sa sortie d'HEC, où elle s'est spécialisée dans le marketing, Chrystel Abadie