Tartuffe
On a longtemps cru que Molière l'avait écrite en réaction aux agissements de la très dévote Compagnie du Saint-Sacrement, mais on sait aujourd'hui que cette influence a été considérablement exagérée par les historiens anticléricaux de la fin du xixe et du début du xxe siècle1. En fait, dans la mesure où les dévots qui étaient présents à la Cour critiquaient le libertinage des mœurs (et les amours adultères du roi), le luxe, les fêtes, la politique de prestige et même la politique extérieure du royaume, Molière a été tenté, après avoir fait la satire de la conception traditionnelle (et donc catholique) du mariage dans L'École des femmes, de lancer une satire de la dévotion. En proposant un spectacle dans lequel les dévots sont présentés soit comme des ridicules (Orgon) soit comme des hypocrites (Tartuffe), il savait qu'il obtiendrait l'approbation du roi, les applaudissements de la plus grande partie de la Cour et les rires de l'aristocratie mondaine qui était la partie influente de son public dans son théâtre du Palais-Royal.
Louis XIV, qui avait applaudi la pièce à Versailles, dut se résoudre à interdire à Molière d'en donner des représentations publiques, à la demande de l'archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, son ancien précepteur : l'Église et les dévots accusaient Molière d'impiété et lui reprochaient de donner une mauvaise image de la dévotion et des croyants. Après un premier placet adressé au roi pour défendre sa pièce et accuser ses ennemis de ne pas être de vrais dévots, mais de dangereux hypocrites, Molière entreprit de la remanier pour