Sublime ii - entre présentation et représentation
Présenter (du latin praesentare) comprend à la fois l’idée de présent et de présence. Présenter c’est rendre la présence concrète d’une chose au moment où elle se manifeste. La représentation au contraire convoque toujours indirectement la chose, par le truchement d’un mot ou d’une image. Elle substitue à l’absence de la chose une image qui la comble et la redéfinit.
Pour les arts plastiques, l’histoire de Dibutade rapportée par Pline tient lieu de mythe d’origine, il contient tous les ingrédients de la représentation : le modèle présent puis absent, l’image tracée qui vaut pour lui et qui fonctionne comme signe, à la fois indice et icône . Dans ce cas de figure, représenter revient à présenter à nouveau, selon de nouvelles modalités de temps et d’espace, ce qui n’est plus présent. Selon Louis Marin, la scène primitive de l’Occident chrétien est celle de l’ange au tombeau, le matin de la résurrection : « il n’est pas ici, il est ailleurs, en Galilée, comme il l’a dit ». À la place du cadavre, se trouve (s’avance pourrait-on dire) un message énoncé. On sait l’efficacité d’une telle image, et le rôle central qu’elle a joué dans la philosophie esthétique occidentale : la représentation, à sa suite, est nimbée du caractère sacré des mythes de l’origine . L’empire de cette conception de la représentation s’étend jusque dans la pensée du cinéma, et l’on songe aisément au rapprochement que suggère Bazin entre l’ « image mécanique » et le Saint Suaire. L’idée même d’image-trace sur laquelle revient Jean-Marie Schaeffer dans L'Image précaire est tributaire de cette conception. Dans les deux cas, la représentation est le décalque d’une présentation initiale