Les corps marqués37 Goffman a également analysé avec beaucoup de finesse les situations de confrontation à ladifférence, et en particulier à la différence visible, c’est-à-dire celle que l’on perçoit dès lepremier abord. Là encore, le corps et l’impression qu’il produit sont au centre du regard.Il insiste sur l’apparence du stigmate en distinguant les situations dans lesquelles un desprotagonistes présente une marque corporelle visible au premier abord, une difformité ouune différence corporelle quelconque, qui le range dans la catégorie des « discrédités »,de celles où l’attribut stigmatisant n’est pas perceptible directement ni connu, ce qui rendle sujet potentiellement « discréditable ». Dans ce dernier cas, la question du contrôle del’information sur l’attribut stigmatisant va se poser, tandis que ceux dont le corps est marquéd’une quelconque manière devront gérer une différence, une non-conformité qui s’impose aupremier regard.38 Goffman accorde une importance particulière aux corps marqués par des différences connotéesnégativement, que ce soit les « monstruosités du corps - les diverses difformités » ou lesdifférences de « race » (Goffman E., 1975 : 14). Le corps est alors porteur d’une « différencefâcheuse » avec ce à quoi les « normaux » s’attendent. La confrontation avec une personneprésentant une atteinte corporelle (une paralysie ou une amputation par exemple) introduit del’incertitude dans l’ordre de l’interaction, dans le sens où l’altérité perçue déconstruit le jeuclassique de la tenue et de la déférence, générant une remise en cause des rôles à joue. SelonGoffman, en effet, le stigmate remet en cause d’emblée le respect et la considération accordésordinairement à toute personne dans le jeu des interactions, dans le sens où le stigmate remeten cause l’humanité même de celui qui le porte : le stigmatisé, dit-il, par définition « n’est pastout à fait humain » (Goffman E., 1975 : 15).39 Le corps, support du premier regard, est l’objet d’une lecture