Sport de rue nouvelles instances sociales ?
REVERS ET CONTRE-PIED
LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DU SPORT DE RUE
Jean-Charles Basson, Andy Smith
e sport est soumis à des examens réguliers et contradictoires. Sont ainsi diagnostiqués, tout à la fois, la démocratisation des disciplines et l’individualisation des pratiques, sa contribution à l’édification nationale et le repli identitaire qu’il peut également favoriser, son rôle de pacificateur social et les violences rituelles auxquelles il donne lieu… Les valeurs socialisatrices qui lui sont traditionnellement prêtées échappent pourtant à cette règle et semblent demeurer immuables : le goût de l’effort, l’esprit d’équipe, l’altruisme, le dévouement et le sacrifice à la cause commune, le partage des louanges animeraient encore et toujours cette école d’humilité que serait resté le sport. Évoluant entre une perception publique approximative et les représentations sociales ambivalentes dont il est porteur, le sport de rue ne répond pas à ces critères. Spontanées, éphémères, auto-organisées, clandestines ou sauvages, les pratiques sportives de rue (qu’il s’agisse du jogging, du VTT, du vélo acrobatique, du skateboard, du roller-skating ou de toutes les formes de streetball : basket, football, hockey1…) se dérobent, jusque dans les qualificatifs qu’on leur attribue, au cadre cognitif et organisationnel caractérisant l’action publique sportive traditionnelle. Ainsi le sport de rue prend-il les canons de la socialisation sportive portée par les clubs à revers ou à contre-pied. Non pas qu’il s’agisse pour ses jeunes adeptes de promouvoir une pratique systématiquement opposée et exactement contraire à celle qui prévaut dans les organisations sportives, mais bien plutôt, constatant les dérives affectant de nombreux clubs (scandales financiers, tricheries, dopages, violences dominicales…), de tenter de les contourner en choisissant délibérément de « jouer sur le mauvais pied », autrement dit, contre la tendance la plus couramment