Tangos, el exilio de Gardel et Sur, fonctionnent comme un diptyque et il semblait pertinent de les travailler ensemble. Les deux films entretiennent une relation-miroir c'est-à-dire qu'ils reflètent plusieurs aspects identiques : Solanas, parle du premier comme d'un « exil extérieur » et du second comme d'un « exil intérieur »; deux des personnages principaux, dans chacun des films, sont joués par les mêmes acteurs (Miguel Ángel Solá et Philippe Léotard); le personnage d'El Negro est présent dans les deux films (vivant dans le premier et décédé dans le second, joué par le même acteur); Tangos, el exilio de Gardel et Sur, accordent une grande place à la musique, plus particulièrement au tango qui est une survivance participant à la construction de l'image-témoin; les deux films traitent de la question des disparus; ils font tous les deux apparaître des fantômes. La proximité de leur réalisation avec la fin de la dictature, participe au rapprochement établi entre l'effacement des traces des victimes et le besoin de signaler leur présence.
Avant d’expliquer les modalités d’une telle image (l’image-témoin), quelques remarques, d’ordre général, s’imposent. Premièrement, tous les concepts reliés à l’image-témoin s’interpénètrent d’une manière ou d’une autre. Par exemple, l’anachronisme est une forme de survivance et de spectralité car il procède à un retour du passé qui hante le présent, tandis que le spectre est lui-même une trace de ce qui a vécu. La trace ou bien l’empreinte sont des anachronismes puisqu’elles soulignent la présence d’une chose déjà passée et ainsi de suite. Bien que ces concepts soient traités séparément afin de répondre à un besoin de clarté, il faut les penser comme un tout au sein de l’image-témoin. Deuxièmement, il n’est pas question de considérer cette image comme un concept rigide c’est-à-dire une image figée que l’on repèrerait trop facilement, ici et là, peu importe le corpus, témoignant de tout et de rien, en se contentant d’appliquer