Scolarisation et enfermement
Pendant des siècles, l’éducation a été assurée par l’apprentissage grâce à la coexistence de l’enfant ou du jeune homme et des adultes. Il apprenait les choses qu’il fallait savoir en aidant les adultes à les faire.
Le passage de l’enfant dans la famille et dans la société était trop bref pour qu’il ait eu le temps et une raison de forcer la mémoire et de toucher la sensibilité.
Cependant, un sentiment superficiel de l’enfant – que j’ai appelé le « mignotage » était réservé aux toutes premières années, quand l’enfant était une petite chose drôle. On s’amusait avec lui comme avec un animal, un petit singe impudique. S’il mourait alors, comme cela arrivait souvent, quelques-uns pouvaient s’en désoler, mais la règle générale était qu’on n’y prît pas trop garde, un autre le remplacerait bientôt. Il ne sortait pas d’une sorte d’anonymat.
Venait-il à surmonter les premiers périls, à survivre au temps du mignotage, il arrivait souvent qu’il vivait ailleurs que dans sa famille. Cette famille était composée du couple et des enfants qui restaient avec lui : je ne pense pas que la famille étendue (à plusieurs générations ou à plusieurs groupes collatéraux) ait jais existé ailleurs que dans l’imagination de moralistes comme Alberti dans la Florence du XVe siècle, sauf à certaines périodes d’insécurité quand le lignage devait se substituer à la puissance économique défaillante, et dans certaines conditions économico-juridiques. (Par exemple dans. Les régions méditerranéennes, peut-être là où le droit d’avantager complètement l’un des enfants favorisait la cohabitation).
Cette famille ancienne avait pour mission très ressentie la conservation des biens, la pratique commune d’un métier, l’entraide quotidienne dans un monde où un homme et plus encore une femme isolés ne pouvaient pas survivre, et dans les cas de crise, la protection de l’honneur et des vies. Cela ne veut pas dire que l’amour était toujours absent : il est au contraire souvent