Sans autrui, puis-je être humain ?
L'homme est, tout au long de sa vie, entouré par cette présence, parfois indésirable, parfois inquiétante : autrui. Notre société, comme celles des singes dont l'homme est le lointain héritier, tend à codifier les rapports que nous avons avec nos congénères, et on finit par définir l'homme comme un animal sociable. La question se pose alors de savoir si l'on peut être humain sans autrui. Peut-on réellement maintenir notre humanité sans les autres. Ou sont-ils indispensables ? D'ailleurs, quand peut-on réellement parler d'absence d'autrui ?
Les ermites ont choisi de vivre seuls, éloignés de leurs congénères, exilés volontaires de la société. On les appelle souvent « sages ». Or s'ils le sont, c'est bien qu'ils sont humains : la sagesse est bien souvent considérée comme le principal attribut de l'homme.
Sans nécessairement que nous soyons ermites, il nous est tous arrivé de désirer nous retirer quelque temps, nous isoler de la présence d'autrui, pour « réfléchir ». Si autrui nous empêche de réfléchir, il est alors plus un obstacle qu'un adjuvant à notre humanité !
De plus, autrui ne cesse d'être pour nous un objet d'émotions : de colère, de haine, ou de passions : d'amour. Autant de sentiments qui nous éloignent de la pure pensée que l'on fait fréquemment passer pour caractéristique humaine.
À ce titre, l'homme est un perpétuel obstacle pour l'humanité, rester humain malgré autrui est un perpétuel combat.
L'homme naît bon et c'est la société qui le corrompt, pensait Jean-Jacques Rousseau. Or qu'est-ce que la société si ce n'est les autres ? Et qu'est-ce que corrompre un homme, sinon lui retirer son humanité ? Qui est responsable des crimes, de tout ce que l'on qualifie d'« inhumain », d'« animal » ? Autrui, naturellement.
Par ailleurs, l'homme est un animal plus individuel que communautaire : sûr de sa propre individualité, il estime ne pas avoir besoin de ses congénères pour la conserver, pour rester humain.