Toutefois, songeant ensuite à sa position actuelle parmi les hommes, Rousseau se rend compte que le poids des devoirs est devenu plus lourd lorsque la célébrité a fait de lui « le bureau général d’adresse de tous les souffreteux ou soi-disant tels.[9] » Il découvre alors que tous les penchants de la nature, lorsque suivis en société sans prudence, deviennent aussi nuisibles qu’ils étaient utiles au départ et qu’au fil des jours, « tant de cruelles expériences changèrent peu à peu [ses] dispositions, ou plutôt les renfermèrent dans leurs véritables bornes.[10] » En réfléchissant, lors de l’écriture de sa promenade, à ces cruelles expériences, Rousseau dit obtenir de « nouvelles lumières sur la connaissance de [lui-même] et sur les vrais motifs de [sa] conduite en mille circonstances sur lesquelles [il s’est] si longtemps fait illusion[11] ». Ces lumières viennent modifier l’opinion qu’il eut longtemps de sa vertu : « Il n’y en a point à suivre ses penchants, et à se donner, quand ils nous y portent, le plaisir de bien faire. Mais elle consiste à les vaincre quand le devoir le commande, pour faire ce qu’il nous prescrit, et voilà ce que j’ai su moins faire qu’homme au monde.[12] » Rousseau ne peut donc pas s’attribuer le mérite de parvenir à vaincre ses penchants pour accomplir ses devoirs, mais le raisonnement précédent lui permet de conclure à sa bonté naturelle. Malgré son peu d’aptitude à la vertu, malgré le fait qu’il s’abstienne même de poser les gestes conformes à la bienfaisance naturelle, le caractère de Rousseau apparaît, par le raisonnement, exempt de