sa sert à rien
Pendant dix-neuf ans, elle a encaissé des pots de moutarde et des gels douche pamplemousse, des bottes de radis et des litres de Kiravi. Mais pas seulement. Elle a aussi encaissé la mauvaise humeur des clients. Le contrôle du patron installé là-haut derrière sa verrière… jusqu’à la crise de nerfs ou plutôt la crise de tétanie. Alors un jour Maïté a quitté le royaume des hypermarchés et ses intégristes de la performance. Selon une enquête de la CFDT réalisée auprès de caissiers(ères) de Casino, 97% ressentent ainsi une fatigue physique et morale et 93% se disent stressés: 30% en perdent le sommeil, 25% ont des problèmes digestifs et beaucoup des TMS.
Pourtant Maïté a tenu longtemps. Seize articles minute, c’était de la rigolade; le mi-temps (25 heures), son choix. Quant aux «coupures» dans son emploi du temps flexible, deux heures par-ci, deux heures par-là, elle s’en accommodait. Et plutôt assez bien: elle faisait partie des rares privilégiés à pouvoir rentrer chez elle pour tuer les heures creuses avant de retrouver sa caisse. Et «avec le sourire», s’il vous plaît.
Elle faisait même du zèle: efficace et motivée, Maïté est toujours prête à la fin de sa journée de travail pour assurer une ou deux fois par semaine la fermeture des caisses. «Mais pour des clopinettes. En fait, on nous presse le citron, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de pulpe.»
Ce qui l’a fait craquer? Elle ne sait plus. Si, peut-être. L’ingratitude des clients. «C’est très dur, ils vous prennent pour une moins que rien. Ils ne vous saluent pas, ne vous disent même pas merci. Certains même vous insultent. Jusqu’au trop-plein. A la fin, j’y allais juste pour gagner ma croûte, ni plus ni moins. J’étouffais, je me bourrais d’antidépresseurs. Je vomissais à chaque fois que je partais de chez moi. Je me suis mis dans la tête que j’avais un