Conscience d'une baignoire :

"Il n'y a plus de lait dans le frigo"

Je suis informe, mutilée, sale... En un mot : repoussante. Moi qui était si belle avant... Je vivais dans une belle maison où mon lieu de prédilection était une salle de bain modeste, excessivement propre. La famille qui m'hébergeait n'était pas des plus désagréables, mais je pense qu'il en existait de meilleures. Je n'ai jamais apprécié cette femme qui nettoyait tout avec une obsession peu courante. Lorsqu'elle me regardait, c'était avec peur et effroi. J'ai souvent entendu son mari dire qu'elle était maniaque et névrosée (elle avait une peur excessive de prendre des bains car étant petite, elle avait failli se noyer dans une baignoire, ce qui explique pourquoi elle me regardait ainsi). A cause de cette femme, je n'ai jamais été bien dans ma peau mais par rapport à maintenant, par comparaison, j'étais tout de même très belle et remplie de charme. Le fils de la famille, je ne l'adorais pas non plus car il me donnait l'impression d'être dénuée d'intérêt, d'être une parmi tant d'autre, d'être banale. Ce jour là, ce garçon blasé et indifférent à mon charme était entré dans la salle de bain. Il a fait pivoter les deux poignets et un jet d'eau brûlant s'est échappé de ma bouche pour plonger en mon sein. Il est ensuite partit -sûrement pour boire un verre de lait. J'écoutais : d'après les bruits de tiroirs que l'on ouvre et qu'on referme violemment, ainsi que des jurons grossiers, j'en ai déduis qu'il n'y avait plus de lait dans le frigo. Allait-il revenir ? Je commençais à déborder... Un bruit de porte ouverte puis refermée doucement : c'était la mère de famille inquiétante. Si seulement il y avait eu du lait dans le frigo... Je ne serais certainement pas dans cet état, dans cet endroit où ma vie va peut-être s'achever d'ici quelques minutes... La femme avait poussé le verrou avant de se tourner face à moi. Elle s'était figée, les yeux écarquillés de peur, tétanisée. L'eau se déversait