Dans ce premier chapitre, l’auteur annonce — comme l’indique le sous titre -le contenu du livre I du contrat social. La première phrase est devenue célèbre : “l’homme est né libre et partout il est dans les fers”. Il est facile de comprendre le sens de la deuxième moitié de cette phrase, Rousseau dénonce ici l’esclavage multiforme qui sévit au 18ème siècle. Esclavage économique sous sa forme “coloniale”, comme c’est le cas pour l’exploitation de la canne à sucre dans les Antilles, ou esclavage politique (pris dans un sens métaphorique) pour des peuples soumis au bon vouloir d’un souverain qui se place au dessus des lois. Mais comment comprendre la première partie de la phrase ? Rousseau se réfère ici à une faculté innée, naturelle, constitutive de notre essence (de notre nature). L’homme est donc naturellement libre, c’est à dire que la liberté est spécifique à l’homme et que l’on ne peut définir son essence (sa nature) sans se référer à la liberté. Cette liberté naturelle se ramène (cf. chapitre 8) à l’indépendance de l’homme relativement aux autres, indépendance que l’isolement de « l’état de nature » garantit. Le passage de « l’état de nature » à « l’état civil », c’est à dire le passage de la nature à l’histoire et à la vie en société, a privé celui—ci de sa liberté naturelle. On notera que Rousseau ne partage pas l’optimisme des lumières à propos du progrès... De plus, dans cet état de servitude, le maître lui même est esclave : esclave de la servitude qu’il doit chaque jour imposer par la force, esclave de sa propre maîtrise qui le rend dépendant des autres. Il y là quelque chose comme l’illustration de la dialectique hégélienne du « maître et de l’esclave » avant la lettre. Mais Rousseau n’a pas pour objet de décrire ce passage de l’état de nature à l’état civil comme s’il s’agissait d’un travail d’historien, mai plutôt de chercher “ce qui peut le rendre légitime”. Or, si on sait déjà que la perte de la liberté rend ce passage arbitraire et injuste, on