Rousseau, les problèmes de l'autobiographie
» La connaissance est ardue, mais jamais au point que la vérité se dérobe, jamais au point de laisser la conscience sans ressource. L’introspection ne cesse jamais d’être possible, et si la vérité ne s’impose pas immédiatement, il suffira d’un « examen de conscience » pour venir à bout de toutes les obscurités, dans l’intervalle d’une promenade solitaire. Tout s’expliquera ; il parviendra à se voir tout entier, et à être « pour soi » ce qu’il est « en soi » : Rousseau, qui reconnaît à l’occasion l’étrangeté de certains de ses actes, ne les attribue jamais à des ténèbres essentielles, et n’y voit pas l’expression d’une part obscure de sa conscience ou de sa volonté. Ses actes insolites ne lui appartiennent qu’à demi ; il lui suffira de les narrer, et de les déclarer bizarres, comme si la confession épuisait le mystère. Pour Jean-Jacques, le spectacle de sa propre conscience doit toujours être un spectacle sans ombre : c’est là un postulat qui ne souffre pas d’exception. …afficher plus de contenu…
«Je sens mon cœur.» Tel est le privilège de la connaissance intuitive, qui est présence immédiate à soi-même, et qui se constitue tout entière dans un acte unique du sentiment. Pour Jean-Jacques, la connaissance de soi n’est pas un problème: c’est une donnée: «Passant ma vie avec moi, je dois me connaître.»Sans doute l’acte du sentiment qui fonde la connaissance de soi n’a-t-il jamais le même contenu. En chaque nouvelle circonstance, il est irréfutable, il est l’évidence même. Chaque vérité se fait jour de façon primordiale. L’acte du sentiment est indéfiniment renouvelable; mais sur le moment même son autorité est absolue, et acquiert une valeur inaugurale. Le moi se découvre et il se possède d’un seul coup. Dans cet instant où il prend possession de lui-même, il révoque en doute tout ce qu’il savait ou croyait savoir à son propre sujet: l’image qu’il se faisait