Roman
« Un aède est ici, leur dit-il. Il arrive à l'instant de Smyrne, à bord d'un vaisseau rapide. »
Les sentinelles crièrent la nouvelle dans les rues grouillantes de monde. Sur le seuil de leurs cabanes de pierre, les artisans qui travaillaient le cuir et le métal sourirent en tirant leurs aiguilles et en soulevant leurs marteaux. Ils transmirent le message aux commerçants et aux fermiers de passage, rassemblés sur la place du marché au centre de la ville.
Réunis ce jour-là sur la place pour décider de certaines lois, se trouvaient aussi les chefs de la ville, les hommes qui possédaient des terres. A leur tour, ils apprirent la venue de l'aède. Ils se rendirent aussitôt auprès du roi de la ville qu'ils trouvèrent assis sur son banc de pierre sculptée.
Peu de temps après, le roi annonça qu'il donnerait un banquet à son palais, au sommet de la colline. Tout le monde était invité à prendre part au festin et à venir écouter le chant de l'aède.
Des esclaves se mirent à préparer le repas. C'étaient les habitants de villes conquises, ou les femmes et les enfants de soldats ennemis tués au combat. Ils firent rôtir la viande sur des broches, emplirent des corbeilles de pain, mélangèrent du vin avec de l'eau et des épices.
Quand tout fut prêt, l'aède fut installé à la place d'honneur : un siège recouvert d'un tapis épais et moelleux. Et, après le festin, il accorda sa lyre et commença à chanter. C'étaient de très longues histoires qui étaient chantées et non pas récitées : des histoires d'hommes et de dieux, de guerres et d'aventures, où la réalité se mêlait à la légende. A cette époque même, les histoires étaient déjà vieilles. Elles n'avaient jamais été écrites, car il n'y avait pas de livres en ce temps-là. Mais un aède les apprenait de la bouche d'un autre aède, et elles restaient ainsi vivantes pendant des centaines d'années.
Les dieux tenaient autant de place que les hommes dans ces