Le talent de faire rire a toujours suscité des réactions contrastées : on peut voir ainsi dans le comique un relâchement du niveau mental, au point de s'abaisser à une certaine trivialité, ou au contraire associer le rire à une esthétique et à une pensée philosophique sérieuse : tel est l'enjeu de ce corpus qui nous invite à dépasser la légèreté apparente et trompeuse du rire pour en éclairer plus profondément le sens. Le premier document, qui est une image tirée des Temps modernes de Chaplin, donne le ton du corpus : qu'il s'agisse du dialogue du Schpountz de Marcel Pagnol, ou de l'extrait de la biographie que Jean-Robert Probst a consacrée au clown Chicky, le rire interroge autant qu'il interpelle : aussi doit-il être pris au sérieux, comme nous le rappelle le célèbre prologue de Gargantua, rédigé par Rabelais en 1534. Nous analyserons cette problématique selon une triple perspective : après avoir dans une première partie rappelé combien l'aspect facétieux, plaisant, voire bouffon du comique pouvait le dévaluer comme genre mineur, nous chercherons à montrer qu'il repose en fait sur une véritable exigence, autant esthétique qu'artistique. Enfin, il conviendra d'étudier la dimension à la fois didactique mais aussi humaniste du rire.
Le rire est donc d'abord et surtout un humanisme : Marcel Pagnol, par la voix de Françoise, en appelle à cette supériorité du comique, apte à faire oublier à l'homme de la rue le sentiment de son échec existentiel. Cette fonction démiurgique du rire incarnée par le clown ou l'acteur comique est ainsi salvatrice : elle préexiste dans l'homme et confère au pouvoir de faire rire une valeur profondément morale et philosophique. Tel est le sens qu'il convient d'attribuer aux propos de Rabelais : les allusions marquées à Socrate, aux silènes et aux symboles pythagoriciens sont riches d'enseignement... Par le rire, l'homme se grandit lui-même pour atteindre la "substantifique moelle", c'est-à-dire l'ascèse. Ainsi le rire le