Rire: pourquoi faire
Cinq rires 1, Bergson: on s’adapte, on en rit
Dans la théorie de Bergson (…) la répétition provoque le rire en manifestant, dans les gestes, les mots, les situations, ou dans un caractère, une rigidité d’automatisme qui se substitue à la souplesse et au mouvement en avant de la vie. Lorsque nous nous répétons nous-mêmes, ce n’est pas ici pour nous changer selon le possible mais, au contraire, pour retomber de la flexibilité d’une personne à la raideur d’une mécanique. La répétition de Bergson (…) s’oppose à la liberté. C’est l’ensemble de la pensée de Bergson, sur la vie, qui donne sa force à cette idée restreinte mais lumineuse du rire, dont je vais rappeler certains autres éléments qui me permettront de mieux comprendre, par contre-coup, le rire tout différent qui m’attend.
D’abord, le comique s’adresse à l’intelligence pure; le rire est incompatible avec l’émotion. Voilà pour moi un des signes les plus évidents de l’origine française de cette théorie, car elle ne peut rendre compte, entre autres choses, de la comédie shakespearienne. Je devine que Bergson voulait opposer en tous points son système de la comédie au système de la tragédie d’Aristote, et qu’en demandant un spectateur indifférent, à l’encontre du spectateur athénien agité d’émotions, il tentait de mettre au même rang, d’une part le rire, d’autre part la pitié et la crainte.
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Puis, le rire est toujours le rire d’un groupe, c’est un certain geste social. Mais il ne s’agit nullement ici d’une communion dans la gaieté. Ce geste est hostile, il vise, il raille, celui qui se révèle incapable de s’adapter, qui se raidit dans sa différence et son indifférence au point de nuire à la sociabilité. C’est un rire dur, insensible, en effet- une correction qui a pour fonction même d’intimider en humiliant. Qu’il est curieux de penser que le rire, si agréable à trouver en soi et à partager avec autrui, peut être à ce point blessant et agressif! Bergson va jusqu’à décider que le rire est