Rimbaud "ma bohême"
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ; A
Mon paletot aussi devenait idéal : B
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ; B
Oh ! là là ! que d'amours splendides j'ai rêvées ! A
Mon unique culotte avait un large trou. C
− Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course D
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. D
− Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou C
Et je les écoutais, assis au bord des routes, E
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes E
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; F
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, G
Comme des lyres, je tirais les élastiques G
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! F
Vocabulaire
• Paletot : Veste unisexe, ample et confortable • Muse : Chacune des neuf déesses grecques qui présidaient aux arts libéraux (ici attribuée aux poètes) • Féal : Vieux. Loyal, fidèle • Egrener : Détacher les grains • Lyre : Instrument de musique à cordes pincées. Rem : idéal : le paletot du narrateur est si usé qu'il n'en reste plus que "l'idée", le fantôme d'un manteau. (le sens du mot n’est pas le même que d’habitude)
Forme • 14 vers, tous en alexandrin • 4 strophes, 2 quatrains et 2 tercets ( Sonnet • ABBA : rimes embrassées ; CDDC : rimes embrassées ; EE : rime plate ; FGGF : rime embrassée • Beaucoup d’échos phonétiques sont présents dans le poème (je ne sais pas si on peut vraiment parler d’allitérations ou d’assonances), j’ai trouvé un tableau qui les relevait +/- : •
v.1 : allais les : /lè/ + /lé/ ; les poings dans les poches : /p/ + /p/
v.2 : paletot aussi : /to/ + /to/ (avec la liaison)
v.3 : et j'étais : /é/ + /é/ + /è/
v.4 : là là : /la/ + /la/ ; j'ai rêvées : /è/ + /è/ + /é/
v.5 : unique culotte : /k/ + /k/
v.6 : Petit-Poucet : /p/ + /p/
v.8 : doux frou-frou : /ou/ + /frou/ + /frou/
v.10 : soirs de septembre : /s/ + /s/
v.11 : vin de vigueur : /v/ +