Rihannanavy
Dans cette histoire où la fatalité des tempéraments tient lieu de fatum tragique, les points communs avec la tragédie sont nombreux. Dès la première phrase, le mot « dénouement », plusieurs fois employé dans les passages précédents, invite à un rapprochement avec un dénouement théâtral.
On notait également plus haut les termes « horreur et pitié », employés dans la phrase qui précède immédiatement le passage étudié ; « terreur et pitié » sont les ressorts de la tragédie selon les théoriciens classiques.
Le fatum, le destin, est l’une des caractéristiques du tragique : ici, les héros sont prisonniers d’une situation dont la seule issue est le suicide : ils semblent s’y résoudre après un dernier débat « Ils pleurèrent, sans parler, songeant à la vie de boue qu’ils avaient menée et qu’ils mèneraient encore, s’ils étaient assez lâches pour vivre », mais le lecteur sait que leur sort est scellé depuis longtemps par une fatalité génétique plus puissante que leur volonté. Le spectacle est mis en scène par l’embrassement final, par ce dernier regard échangé, dramatisé par la présence du couteau et du verre de poison.
Ce poison, on a appris au chapitre XXXI que c’est de l’acide prussique, c’est-à-dire de l’acide cyanhydrique, plus connu sous la forme du fameux « cyanure », qui provoque une mort foudroyante, avec des convulsions atroces, sur lesquelles le narrateur ne s’attarde pas, sinon pour évoquer la chute de Thérèse sur Laurent. Évidemment, on retrouve ici l’ultime occurrence du leitmotiv du cou de Laurent et de la cicatrice de la morsure de Camille, traduction et vecteur physique des remords de Laurent, et vengeance posthume du noyé, signe du destin encore.
Comme la colère de Zeus dans les tragédies, ce poison foudroie (« éclair », « foudroyés »). Mais c’est surtout la vengeance de Mme Raquin qu’on voit s’exercer ici. C’est elle qui joue le rôle dévolu classiquement aux « Filles d’Enfer », aux Furies. Au chapitre XXX, Mme Raquin a songé un