Rene char
L'ouragan dégarnit les bois. J'endors, moi, la foudre aux yeux tendres. Laissez le grand vent où je tremble S'unir à la terre où je croîs.
Son souffle affile ma vigie. Qu'il est trouble le creux du leurre De la source aux couches salies!
Une clé sera ma demeure, Feinte d'un feu que le coeur certifie; Et l'air qui la tint dans ses serres.
L'ouragan est liberté déchaînée, avec le flux inépuisable du vent et la brûlure de la foudre. Mais l'arbre endurant, dans sa croissance obstinée, endort la foudre: elle est nommée «la foudre aux yeux tendres», la douceur s'y mêle à la violence. Si nous écoutons l'injonction de l'arbre, la furie mouvante de l'ouragan s'unira à la terre immobile. L'arbre appartient à la fois à l'air et à la terre. Le conflit des éléments lui inflige sa passion, mais il en est en même temps le conciliateur. Il est debout, amarré au sol stable, et il tremble au gré de l'ouragan. Son frémissement est l'indice de sa double appartenance. Car trembler est un mouvement statique, où s'exprime à la fois l'obéissance à la terre et l'obéissance au vent. Ainsi le peuplier participe au flux vagabond et demeure prisonnier de son site. Dans sa verticalité agitée, par sa cime dressée au coeur du tumulte aérien, le peuplier refuse le destin paresseux de la source: le signe de l'altitude en éveil (la