Rabelais Et La Dive Bouteille
Notre noble Lanterne nous éclairant et nous conduisant en toute gaieté, nous arrivâmes à l’Île désirée, où se trouvait l’oracle de la Dive Bouteille. Approchant du Temple de la Dive Bouteille, Panurge et Pantagruel passent au milieu d’un grand vignoble planté de toutes espèces de vignes comme Falerne, Malvoisie, Muscadet, Tabbia, Coussy, Anjou, Grave, Beaune, Corse, Verron, Nérac et autres... Le dit vignoble fut jadis planté avec un tel bonheur par le bon Bacchus que toujours il portait feuilles et fruits. Notre Lanterne magnifique nous ordonna de manger trois raisins chacun, et de prendre une branche verte dans la main gauche. Au bout du vignoble, nous passâmes sous un arc antique où était bien mignonnement sculpté le trophée d’un buveur, c’est à dire une longue file de flacons, gourdes en cuir, bouteilles, fioles, barils, petits tonneaux, pots, pintes. Ainsi nous arrivâmes sous terre par une arcade enduite de plâtre. Là, je disais à Pantagruel : " Cette entrée me rappelle la Cave Peinte de la première ville du monde ". " Où est-elle ", demanda Panurge, " quelle est cette première ville dont vous parlez ? " " Chinon ", dis-je, " ou Caïnon en Touraine ". Ensuite nous descendîmes, là notre noble lanterne s’excusa de ne nous plus conduire plus avant. Nous n’avions plus à obéir qu’aux instructions de la Pontife Bacbuc. Nous entrâmes dans un magnifique Temple où était marqué d’un coté " les destinées, même celui qui consent, tirent celui qui refuse ", et de l’autre, " toutes choses se meuvent à leur fin ". Pour avoir connaissance de l’oracle, du mot de la Bouteille, Panurge doit au préalable recevoir l’initiation. Bacbuc le vestit d’une souquenille, l’encapitonna d’un beau et blanc béguin, l’affubla d’un bas à filtrer l’hypocras, au bout duquel, en guise de pompon, elle avait