Quignard nous parait exemplaire
Après Jouhandeau, Gracq, Echenoz, Michon, vous invitez Pascal Quignard. Appartiennent-ils, pour vous, à une même famille d’écrivains?
Nous pensons que oui, si nous nous situons dans la perspective des caractéristiques que nous avons choisi de privilégier : des créateurs voués à la passion d’écrire et construisant une œuvre de grande qualité, complexe, exigeante, fascinante, traitant de sujets qui nous concernent dans notre vie quotidienne et dans notre nécessaire réflexion sur nos rapports avec le monde considéré dans sa complexité et dans sa globalité. À ce titre, Quignard nous paraît exemplaire.
Inviter Quignard, n’est-ce pas convier avec lui les très nombreux auteurs sur lesquels il a écrit?
Certes, oui ! Et aux auteurs, il convient d’ajouter des peintres, des musiciens ! Mais, en fait, ce qui nous semble particulièrement intéressant, c’est de dénouer le nœud gordien qui entrelace les références culturelles dont Quignard est pétri : où est l’homme qui prend la plume, dans ce tissu dense et nourri où les culture grecque, latine et orientales, libèrent une prose fragmentaire, sidérante, levant tant de questions sur les amonts d’où nous venons, les avals où nous roule le temps ?
Dans La Barque silencieuse Quignard énonce, mine de rien, cette phrase vertigineuse : «Nous sommes orphelins d’une joie qui n’avait pas encore devant elle, quand elle vint surgir en nous, un peu après que nous surgîmes sous le soleil de cette terre, de mémoire où se faire souvenir.»
Voilà bien le paradoxe fondateur d’une œuvre : un écrivain pétri d’un savoir