Qui est Godot? Beckett a toujours refusé les interprétations de ses œuvres. Et pourtant, s’il est une œuvre qui a subi les analyses de toutes sortes, parfois abusives, c’est bien En attendant Godot. On a prêté bien des visages à Godot, personnage absent mais central. Toute l’action dramatique est construite autour de lui. Quelques indices dans le texte nous le présentent comme un homme d’affaires, qui a une famille, un cheval, un compte en banque, une barbe blanche. Il crie et semble brutal : il bat le frère du jeune garçon qui apparaît à la fin des deux actes. On a souvent associé Godot à Dieu. Le nom même serait une dérivation de l’anglais God. Comme Dieu, Godot est mystérieux, caché, inaccessible. De plus, dans le texte, on fait souvent allusion à la religion. Selon l’interprétation théologique, la pièce serait à lire comme la tragédie d’une humanité déchue qui attend désespérément la venue d’un Sauveur. Et seul le rétablissement d’un lien avec la divinité peut donner un sens à la vie de l’homme. C’est ce qu’espèrent Vladimir et Estragon. Même s’il est vrai que la figure de Dieu peut être suscitée par le texte, cette interprétation demeure réductrice. D’ailleurs, Beckett a toujours nié cette association quand on le questionnait sur le sens de l’œuvre : «si Godot était Dieu, je l’aurais appelé par ce nom »3 . Dans les faits, il ne faut voir en Godot qu’une figure imaginaire qui symbolise tout ce qui pourrait venir donner un sens à une existence absurde. Bref, Godot incarne ce que chacun attend et qui ne vient jamais. Savoir qui est Godot précisément n’est d’ailleurs pas ce qui importe dans cette œuvre. Beckett lui-même semble n’en avoir aucune idée : « Si je savais qui était Godot, je l’aurais dit dans la pièce »4 C’est l’effet de l’absence de Godot qui doit retenir l’attention beaucoup plus que son identité.
À la question de qui est, ou qu’est-ce qu’est, Godot, Beckett répondit que s’il l’avait su, il l’aurait dit dans la pièce. Cela veut dire que, même si ce