Qu'est ce que philosopher
François Galichet
Professeur à l’IUFM d’Alsace
La philosophie, qui se caractérise par son questionnement ontologique ( « Qu’est-ce que ? »), ne pouvait manquer de s’interroger sur elle-même. De fait, on trouve en chaque philosophe une définition de la philosophie, et par conséquent du philosopher. Mais leur multiplicité même est déjà inquiétante : si chaque penseur a une conception propre, différente des autres, de la philosophie, qu’est-ce qui permet de les réunir tous dans une même discipline, de les rassembler sous un concept unique, celui de « philosophe » ? Les savants peuvent avoir des conceptions divergentes de la science, ou les artistes, de l’art : il reste que la science et l’art peuvent être caractérisés par un certain nombre de traits objectifs, qui permettent de leur assigner une identité indépendamment des représentations qu’on s’en fait et des définitions qu’on en donne. En va-t-il de même de la philosophie ? On peut à cet égard formuler plusieurs hypothèses, plusieurs critères possibles permettant de la spécifier.
Les critères du philosopher
Son objet Le philosopher pourrait d’abord se caractériser par les objets sur lesquels il porte. De même que chaque discipline scientifique se définit par le domaine qu’elle découpe dans le champ infini du réel – la physique, la biologie, les sciences humaines ayant chacune le leur – de même la philosophie se définirait par son contenu, par le type de réalité qu’elle vise à connaître. Ainsi pour Platon est-ce le domaine des idées, par opposition au monde des phénomènes, qui détermine à la fois la méthode du philosopher ( la dialectique) et sa finalité ( la sagesse). Descartes reprend cette conception en faisant de la pensée, par opposition à l’étendue, l’objet spécifique de la philosophie : elle est la connaissance de l’âme par ellemême, dans une démarche réflexive qui explore les notions premières et leur enchaînement. Pareillement, Husserl prétend faire de la philosophie