Philo
Livre premier
De l’imagination créatrice
I
La folle du logis
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Imagination, maîtresse d'erreur, selon Pascal. Montaigne, de même, parlant de ceux qui « croient voir ce qu'ils ne voient point », nous ramène au centre de la notion, et nous en découvre toute l'étendue selon ce qu'exige le langage commun. Car, si l'on entend ce mot selon l'usage, l'imagination n'est pas seulement, ni même principalement, un pouvoir contemplatif de l'esprit, mais surtout l'erreur et le désordre entrant dans l'esprit en même temps que le tumulte du corps. Comme on peut voir dans la peur, où les effets de l'imagination, si connus, tiennent d'abord à des perceptions indubitables du corps propre, comme contracture, tremblement, chaleur et froid, battements du cœur, étranglement, alors que les images des objets supposés qui en seraient la cause sont souvent tout à fait indéterminées, et toujours évanouissantes, entendez que l'attention les dissipe et qu'elles se reforment comme derrière nous. Il importe de reconnaître d'abord, par un sévère examen, que ce pouvoir d'évoquer les apparences des objets absents ne va pas aussi loin qu'on le dit, ni qu'on le croit, et en d'autres termes, que l'imagination nous trompe aussi sur sa propre nature.
Il y a de l'ambiguïté, si l'on n'y prend garde, dans ce que l'on dit d'une imagination forte. Forte, il faut l'entendre par ses effets, qui vont aisément au malaise et même à la maladie, comme la peur le montre ; mais il faut se garder de juger de la consistance des images d'après la physionomie, les gestes, les mouvements et les paroles qui en sont l'accompagnement. L'état délirant qu'on peut appeler aussi sibyllin, dans la fièvre ou dans le paroxysme des passions, est par lui-même éloquent, émouvant, contagieux ; c'est une raison de ne pas croire trop vite que les délirants voient tout ce qu'ils décrivent. Quelqu'un m'a conté qu'à Metz, pendant l'autre