Peut on pensé sans prejuger ?
Préjuger de quelque chose, c'est s'abstenir de toute réflexion dans l'opinion que l'on a de cette chose. Or, le propre d'une pensée qui se veut méthodique, c'est de réfléchir les choses ainsi qu'elle-même. Penser c'est juger avec raison des choses, c'est donc se refuser à tout "pré-jugement", s'opposer à ce qui relève du simple préjugé. C'est se délivrer de l'opinion (la doxa), c'est-à-dire de cet état d'esprit qui affirme ou qui nie avant d'avoir jugé (tel est, au sens propre, le pré-jugé) ou qui ne juge que sur les apparences ou en fonction des besoins. Là où le préjugé relève de la passivité, de la paresse réflexive, la pensée relève quant à elle de l'activité de l'esprit.
=> cf. l'entreprise cartésienne.
Transition : On a montré jusqu'à présent que le préjugé était par définition l'absence même de pensée, de réflexion critique, d'examen des idées qui sont les nôtres. Mais a t-on pour autant montré que l'on pouvait penser sans préjuger ?
2. Les fondements du jugement
Il est pratiquement impossible d'appliquer le doute méthodique et la réflexion à tout contenu de conscience. D'autre part, tout jugement nouveau se détermine à partir de jugements antérieurs, qui ne sont pas tous réfléchis. La nature même de notre esprit nous contraint à avoir des préjugés, qui sont la condition même de l'activité intellectuelle et pratique, de l'éducation et du progrès.
On ne pense pas à partir de rien. Et s'il faut douter de tout, alors notre réflexion sera purement critique et ne sera jamais constructive. D'ailleurs, un doute absolu est impensable, car il se contredirait lui-même. Comme l'écrit Wittgenstein dans De la certitude :
"Qui voudrait douter de tout n'irait même pas jusqu'au doute. Le jeu du doute lui-même présuppose la certitude".
Toute pensée possède ses fondements qui par définition relèvent du "pré-juger". On ne peut donc pas penser sans préjuger.
Transition : mais de quels préjugés parle t-on ? Ne confond t-on pas ce qui