Le philosophe m’invite à douter de tout, je me rétracte. J’ai en mémoire l’ombre de doutes angoissants, j’ai peur de tenter l’expérience. Alors j’invoque l’idée que douter menace la cohésion sociale parce que tout le monde pourrait faire tout et n’importe quoi s’il n’y a pas de vérité morale. Et si je parvenais à douter radicalement, ne prendrai-je pas le risque de ne plus faire attention à ma santé en ignorant les actions qui la préservent ? A ces réserves quant à l’exercice du doute radical, s’ajoute alors un paradoxe : si on me démontre qu’il faut douter alors il y a une vérité du doute. Pour résoudre ce paradoxe, il faut admettre qu’on ne peut pas douter absolument de tout même si on peut en douter radicalement (telle est la position de Descartes). Ou bien pour préserver le paradoxe, il faut montrer que le vocabulaire usuel de la vérité est en fait inadéquat, qu’il y a un doute absolu envisageable non pas vrai mais en fait authentique. L’authenticité ne serait pas un fondement de la quête de vérité si on veut prendre au sérieux un éventuel doute absolu. Elle serait plutôt son point d’achèvement. La quête de la vérité sceptique peut être authentique si elle s’achève sur l’idée que la vérité est hors de portée. Mais là encore parler d’authenticité semble demeurer une forme de vérité. Reste alors à douter d’une forme définitivement valide d’authenticité du doute absolu : ceci est peut-être la docte ignorance inspirée par le doute socratique. Qu’est-ce que cette connaissance intime de l’authenticité qui nie sa perfection, et donc qui se nie elle-même ? Sa positivité serait-elle une disponibilité pour apprendre davantage ce qu’est l’authenticité ? Mais cette positivité ne restaure t’elle pas une forme de vérité ? Socrate et nombres de ses disciples n’ont-ils pas un goût immodéré pour une forme définie de la vérité ? Y a-t-il une docte ignorance et donc un apprentissage qui échappe à l’impératif pathologique d’une vérité définitive et définie ? Autrement dit quelle