Peut on concevoir un état sans souveraineté ?
Un État qui ne serait pas souverain ? Pour beaucoup, c’est une contradiction dans les termes, et un monde sans souveraineté semble une simple formule de style destinée à attirer le lecteur. Pourtant, Bertrand Badie rappelle que la souveraineté n’est pas un attribut inhérent à l’État. Ce sont les juristes monarchistes qui au XVIe siècle ont élaboré cette doctrine pour assurer le pouvoir de leurs maîtres. Doctrine de pouvoir, la théorie de la souveraineté a été reprise par la République, qui en a fait un des éléments essentiels de sa construction.
La souveraineté ne peut être qu’absolue : à l’intérieur du pays, le souverain exerce une autorité sans limites et sans contrôle, il ne doit de comptes qu’à Dieu. Sur le plan extérieur, la théorie condamne toute atteinte à l’intégrité territoriale d’un État, et interdit toute ingérence dans ses affaires intérieures, ce qui protège les petits pays contre les convoitises des grands, mais permet aussi de faire taire les oppositions par tous les moyens, même les plus brutaux. Bien entendu, elle est restée une fiction qui n’a jamais connu que des applications très partielles. Au-dedans, même les plus puissants ont dû accepter des limites et des contrôles, à l’extérieur, tous les grands pays ont, tout au long de l’Histoire et au gré de leurs intérêts du moment, invoqué ou ignoré le principe de non-ingérence.
Et puis, si la souveraineté appartient au peuple, qu’est-ce qu’un peuple ? Qu’est-ce qu’une nation ? Qu’est-ce qui permet de délimiter leur territoire ? Le principe de souveraineté, l’intégrité des frontières, apparaissent alors comme des moyens de préserver l’ordre ancien, face à des revendications fondées sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et qui, souvent, ne sont elles aussi que des moyens de satisfaire des ambitions personnelles en exploitant des réactions tribales ou claniques.
Chacun des éléments réunis par Bertrand Badie est bien connu, mais la synthèse