Pauline chapitre 7
Il y eut alors un silence terrible ; Mme de Luciennes, pâle comme la mort, les bras tendus vers son fils, essayait de parler et murmurait d’une voix presque inintelligible : « sauvez-le! Sauvez-le! » M. de Luciennes , qui était le seul armé, prit sa carabine et voulut ajuster l’animal ; mais Paul était dessous, la plus légère déviation de la balle, et le père tuait le fils. Un tremblement convulsif s’empara de lui ; il vit son impuissance, et laissant tomber son arme, il courut vers Paul en criant : « Au secours! Au secours! » Les autres chasseurs le suivirent. Au même instant, un jeune homme s’élança à bas de cheval, sauta sur le fusil, et de cette voix ferme et puissante qui commande : « Place! » cria t’-il. Les chasseurs s’écartèrent pour laisser passer le messager de mort qui devait arriver avant eux. Ce que je viens de vous dire s’était passé en moins d’une minute.
Tous les yeux se fixèrent aussitôt sur le tireur et sur le terrible but qu’il avait choisi quant à lui, il était ferme et calma, comme s’il eût eu sous les yeux une simple cible. Le canon de la carabine se leva lentement de terre; puis, arrivé à une certaine hauteur, le chasseur et le fusil devinrent immobiles comme s’ils étaient de pierre ; le coup partit, et le sanglier blessé à mort roula à deux ou trois pas de Paul, qui, débarrassé de son adversaire, se releva sur un genou son couteau de chasse à la main. Mais c’était inutile, la balle avait été guidée par un œil trop sûr pour qu’elle ne fût pas mortelle. Mme de Luciennes jeta un cri et s’évanouit, Lucie s’affaissa sur son cheval et serait tombée si l’un des piqueurs ne l’eût soutenue ; je sautai à bas du mien et je