Pastiche : Saint-Germain-des-Prés par Jean Paul Sartres Je ne lis pas grand-chose, je n’ai pas le temps. Je n’écoute pas la radio, je n’aime pas ça. Je n’écoute pas non plus ce que peuvent affirmer, dire ou prétendre les gens, j’ai peur que tant d’idiotie, d’ignorance et de bêtise ne m’atteignent. De telles pertes de temps devraient être interdites. J’aurais peut-être dû manquer à mes principes cette fois-ci, car il est sans doute trop tard maintenant, le mal est fait. C’est ainsi que pas plus tard qu’hier, j’ai entendu que l’on parlait ma langue autour de moi. Je veux dire que l’on parlait mes Mots. Je me hâte, je me presse, et rejoins finalement le Flore. Clara me demande si ce sera comme d’habitude, non cela n’est pas comme d’habitude, rien n’est comme d’habitude, tout a changé. J’interroge autour de moi, et là j’apprends, ignoble infamie, abject forfait, j’apprends que ce ne sont pas mes mots qui ont été publiés, rien qu’une pâle copie. Une copie plus courte, des termes paraît-il plus simple, mais une copie sans saveur. J’angoisse, j’ai peur, je suffoque intérieurement. Mais déjà il est trop tard, le mal est fait. La jeunesse de Saint-Germain est d’ores et déjà sous l’emprise d’un existentialisme qui n’est pas mien. Pas un, personne de m’a compris et entendu, leurs interprétations sont toutes plus arriérées les unes que les autres. Est-ce donc nuire aux gens que de leur donner la liberté d’esprit ? Dans un moment comme celui-ci je vous répondrais oui. Ils ont fait de ma philosophie un vulgaire effet de mode. J’enrage. Les femmes se libèrent, s’affirment, s’imposent, on sort le soir, on se retrouve dans les caves, on boit, on rit, on est insouciant et l’on se sent invincibles, Parfait ! Mais l’existentialisme ne se résume pas à cela ! Ca n’est pas moi ! Ce ne sont pas mes mots, ne me félicitez pas d’avoir changé votre vision de la vie ! Peut-être est-ce mon nom sur la couverture de l’ouvrage mais ces pages ne sont pas miennes ! Ca n’est pas moi ! Et pourtant ne