C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'opprimer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus. Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre ; quand l'on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que la vanité et le mensonge ; mais la violente et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre. Qu'on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales : car il y a cette extrême différence que la violence n'a qu'un cours borné par l'ordre de Dieu qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu'elle attaque, au lieu que la vérité subsiste éternellement et triomphe enfin de ses ennemis ; parce qu'elle est éternelle et puissante comme Dieu même.
PASCALPASCAL
Notons qu'en opposant irréductiblement deux ordres, celui de la force et celui des idées, Pascal dans ce texte reste optimiste : selon lui la croyance en un auteur moral du monde permet d'espérer à terme le triomphe de la vérité (intuition et croyance eschatologique que Hegel retrouve dans sa Philosophie de l'Histoire).
Les analyses de Raymond Aron nous ont appris plus de réalisme : le triomphe de la raison n'est pas de lui-même nécessairement inscrit dans le sens de l'Histoire, il dépend exclusivement de la coopération des hommes de bonne volonté et suppose donc des individus qui aient intérêt à défendre le parti de la raison comme d'autres peuvent avoir intérêt à défendre la superstition et la logique de la crainte. (Cf. à ce propos la grande opposition entre les régimes politiques établie par Monstesquieu dans l'Esprit des lois )