Parfum exotique
La vengeance
(Après une longue absence, Orso est sur le point de retrouver son village natal en Corse. Colomba, sa sœur, qui l’accompagne, s’arrête au détour d’un chemin.)
« Orso, dit-elle, c’est ici que notre père est mort. Prions pour son âme, mon frère ! » Et elle se mit à genoux. Orso l’imita aussitôt. En ce moment la cloche du village tinta lentement, car un homme était mort dans la nuit. Orso fondit en larmes. Au bout de quelques minutes, Colomba se leva, l’œil sec, mais la figure animée. Elle fit du pouce à la hâte le signe de croix familier à ses compatriotes et qui accompagne d’ordinaire les serments solennels*, puis entraînant son frère, elle reprit le chemin du village .Ils rentrèrent en silence dans leur maison. Orso monta dans sa chambre. Un instant après, Colomba l’y suivit, portant une petite cassette qu’elle posa sur la table. Elle l’ouvrit et en tira une chemise couverte de larges taches de sang. « Voici la chemise de notre père, Orso. » Et elle la jeta sur ses genoux. « Voici le plomb qui l’a frappé. » Et elle posa sur la chemise deux balles oxydées. « Orso, mon frère ! cria-t-elle en se précipitant dans ses bras et l’étreignant avec force. Orso ! tu le vengeras ! » Elle l’embrassa avec une espèce de fureur, baisa les balles et la chemise, et sortit de la chambre, laissant son frère comme pétrifié sur sa chaise. Orso resta quelque temps immobile, n’osant éloigner de lui ces épouvantables reliques*. Enfin,faisant un effort, il les remit dans la cassette et courut à l’autre bout de la chambre se jeter sur son lit, la tête tournée vers la muraille, enfoncée dans l’oreiller, comme s’il eût voulu se dérober à la vue d’un spectre. Les dernières paroles de sa sœur retentissaient sans cesse dans ses oreilles, et il lui semblait entendre un oracle fatal*, inévitable, qui lui demandait du