Nouvelle de français
La nuit avance, pas moi, je me tourne et me retourne entre mes draps, impossible de m’endormir. J’ai l’impression d’être pris dans un étau, étouffé entre les mâchoires d’un monstre invisible. Tout mon entourage épie le moindre de mes gestes et exerce une sorte d’oppression insaisissable et permanente. Il ne me reste que la nuit pour échapper à leur contrôle. Je ne le supporte plus, je veux sortir de la toile avant d’être complètement englué, momifié avant l’âge. Et puis à quoi bon leurs cycles de répétition, cet ennui et ce vide qui transpirent de leurs vies et qui se transforment en haine de soi et des autres ?
Les yeux grands ouverts dans la pénombre, la solution libératrice, lumineuse, m’apparaît soudain, comme une évidence cachée qu’il suffisait de rechercher.
Alors, comme mû par une force intérieure invisible, je rejette brutalement les draps et je me lève d’un coup. La moquette amortit mes pas, inutile de faire du bruit. Pas besoin de lumière, je connais toutes les pièces à traverser et je sais ce que j’ai à faire. C’est comme si cette nuit était programmée, je n’ai plus qu’à accomplir ce qui avait été prévu.
Le silence règne, tout le monde s’est endormi après une journée comme les autres, le moment est propice. A pas feutrés, je commence par fermer toutes les portes en enlevant les clés, je dois éviter qu’ils puissent s’échapper.
Tout est calme, même les photos du bonheur familial conforme qui s’étalent sur les murs ne bronchent pas d’un cil. Seule l’horloge de la cuisine rythme la nuit avec son bruit régulier, ça me rassure.
Sans faire grincer les portes, je descends au sous-sol, là où mon père range son matériel de chasse. Le fusil est bien à sa place, les cartouches sont à côté. Je sais comment il marche, il me l’a montré lui-même quand il espérait encore que je l’accompagne lors des traques d’animaux en forêt. Je prends une boîte de cartouches pour gros gibier, j’en place deux dans les canons. Me voilà prêt.