Nature I
Nature, art, technique
"Laissons le genre humain recouvrer ses droits sur la nature, droits dont l'a doué la munificence divine"
Francis Bacon, Novum Organum, I, par. 129
"Mystérieuse au grand jour, la Nature ne se laisse pas dérober son voile et ce qu'elle ne veut pas révéler à ton esprit, tu ne pourras pas la contraindre à le faire, avec des leviers et des hélices"
Goethe, Faust I, vers 668-674
1) La nature comme objet et comme point de vue.
a)
Nous avons vu que la Nature peut être comprise, au moins dans un premier temps, comme une "sphère", un "ensemble", plus ou moins unifiés de phénomènes qui se produisent dans le monde.
En ce sens certaines choses seulement, parmi toutes celles qui se produisent, seront dites proprement naturelles : celles qui surviennent par l'action d'un principe "interne" ou indépendamment de l'intervention humaine (comme les plantes non cultivées, les animaux sauvages, tous les organismes non produits en laboratoire, mais aussi, à certains égards, les formations du relief provoqués par l'érosion, et une partie au moins des milieux dans lesquels ces organismes apparaissent, deviennent et disparaissent). Platon par exemple considérait la nature comme l'ensemble des oeuvres dont nous pourrions dire qu'elles ont été produites par un "art divin" (la nature étant alors dans le monde ce qui relève d'un "faire" qui n'est pas humain), Aristote y voyait l'ensemble des choses qui ont en elles-mêmes toutes les causes de leur mouvement (contrairement à ce qui a lieu dans les activités humaines de production où les causes sont réunies par la puissance de l'artiste ou de l'artisan) - aujourd'hui nous pourrions trouver dans le
concept de "wilderness"1, des déterminations de la nature correspondant assez bien à ce premier sens.
La nature est, en ce premier sens, l'objet possible d'activités humaines déterminées, aussi bien théoriques que pratiques, et nous pourrions dire que la compréhension que nous en avons fait intervenir une pensée de l'artifice