Namouna de musset
Et la vierge aux yeux bleus, sur la souple ottomane,
Dans ses bras parfumés te berçait mollement;
De la fille de roi jusqu'à la paysanne
Tu ne méprisais rien, même la courtisane,
A qui tu disputais son misérable amant;
Mineur, qui dans un puits cherchais un diamant.
Tu parcourais Madrid, Paris, Naples et Florence;
Grand seigneur aux palais, voleur aux carrefours;
Ne comptant ni l'argent, ni les nuits, ni les jours;
Apprenant du passant à chanter sa romance;
Ne demandant à Dieu, pour aimer l'existence,
Que ton large horizon et tes larges amours.
Tu retrouvais partout la vérité hideuse,
Jamais ce qu'ici-bas cherchaient tes voeux ardents,
Partout l'hydre éternel qui te montrait les dents;
Et poursuivant toujours ta vie aventureuse,
Regardant sous tes pieds cette mer orageuse,
Tu te disais tout bas: "Ma perle est là dedans."
Tu mourus plein d'espoir dans ta route infinie,
Et te souciant peu de laisser ici-bas
Des larmes et du sang aux traces de tes pas.
Plus vaste que le ciel et plus grand que la vie,
Tu perdis ta beauté, ta gloire et ton génie
Pour un être impossible, et qui n'existait pas.
Et le jour que parut le convive de pierre,
Tu vins à sa rencontre, et lui tendis la main;
Tu tombas foudroyé sur ton dernier festin:
Symbole merveilleux de l'homme sur la terre,
Cherchant de ta main gauche à soulever ton verre,
Abandonnant ta droite à celle du Destin!
Musset,