Mémoire henri
Ma Chère Michèle,
Ici les combats font rages, déjà plusieurs semaines passée loin de toi, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai relu tes lettres pour y trouver ton soutien.
Jamais un hiver ne m'a paru aussi froid. Dans les moments les plus durs, seul ton visage me revient. tu m'avais demandé dans une de tes dernières lettres de te donner quelques détails sur notre vie dans les tranchées, je vais donc t'en donner. Ce matin il pleut, une de ces pluies d'hiver, froide, fine, éternelle, dont rien ne protège. La tranchée de première ligne est un ruisseau couleur de terre, mais un ruisseau immobile dont le courant resterait accroché aux parois de son lit. De l'eau, de la boue. On y enfonce, on glisse doucement, attiré par on ne sait quelle irrésistible force ... " une odeur flotte, c'est celle de la mort
.Se battre dans la guerre moderne, c'est se terrer dix jours de suite dans un trou plein d'eau sans bouger, c'est ouvrir l'œil, tendre l'oreille, serrer une grenade dans sa main, c'est manger froid, s'enfoncer dans la boue jusqu'aux genoux, porter le ravitaillement dans la nuit noire, tourner autour d'un même point pendant des heures sans le trouver, c'est recevoir des obus on ne sait d'où, c'est en un mot souffrir." Mais je n'oubli pas pourquoi je suis là,
Jusqu'à présent je ne souffre pas trop mais cela durera-t-il encore longtemps. Enfin je ne sais pas. Bons baisers