Montaigne
CHAPITRE XL
Des boiteux.
Il y a deux ou trois ans qu'on accourcit l'an de dix iours en France Combien de changements doibvent suyvre cette reformation 1 ce feut proprement remuer le ciel et la terre à la fois. Ce lieantmoins, il n'est rien qui bouge de. sa place; mes voysins treuvent l'heure de leurs semences, de leurrecolte, l'opportunité de .leurs négoces, les iours nuisibles et propices, au mesme point iustement oùils les avoient assignez de tout temps ny l'erreur ne se sentoit en nostre usage, ny l'amendement ne s'y sent; tant il y a d'incertitude par tout tant nostre appercevance est grossiere, obscure et obtuse On dict que ce reiglement se pouvoit conduire d'une façon moins incommode, soubstrayant, à l'exempled'Auguste, pour quelques années, le iour dubissexte, qui, ainsi comme ainsin estmi iour d'empeschement et de trouble, iusques à ce qu'on feust arrivé à satisfaire exacment ce debte ce que mesme on n'a pas faict par cette correction, et demeurons encores en arrérages de quelques iours; et si, par mesme moyen, on pouvoit prouveoir à Tadvenir, ordonnant qu'aprez la révolution de tel ou tel nombre d'années, ce iour extraordinaire seroit tousiours éclipsé; si que nostre mescompte ne pourroit d'ores en avant excéder vingt et quatre heures.
Nousn'avons aultre compte du temps que les ans il y a tantde siècles que le monde s'en sert et si c'est une mesure que nous n'avons encores achevé d'arrester et telle, que nous doubtons touts les iours quelle forme les àùltres nations luy ont diversement donné, et quelen estoit l'usage. Quoy, ce que disent aulcuns, que les cieux se compriment vers nous en vieillissant, et nous iectent en incertitude des heures mesme et des iours, et des mois? ce que dict Plutarque*, qu'encores de son tempsl'astrologie n'avoit sceu borner le mouvement de la lune nous voylà bien accommodez pour tenir registre des choses passees 1 le resvassoy présentement comme ie fois