Montaigne et la viellesse
8135 mots
33 pages
Pour Montaigne, la vieillesse est l'âge des loisirs, de la liberté, de la cessation de ce qu'il appelle "l'embesognement", qui est le fait de la jeunesse, laquelle s'y adonne avec d'autant plus d'ardeur qu'elle n'est pas consciente du temps qui passe puisqu'elle croit en avoir beaucoup en réserve. Le vieillard pour qui l'avenir se rétrécit comme une peau de chagrin connaît la valeur du temps présent et l'alternance des biens et des maux. « L’expérience m’a encore appris ceci, que nous nous perdons d’impatience. Les maux ont leur vie et leurs bornes, leur maladie et leur santé ». Au vieillard et à lui seul il est donné de vivre un rapport équilibré au corps. « Il faut ordonner à l’âme non de se tirer à quartier, de s’entretenir à part, de mépriser et d’abandonner le corps (aussi ne le saurait-elle faire que par quelque singerie contrefaite), mais de se rallier à lui, de l’embrasser, le chérir, le contrôler, le conseiller et ramener quand il se fourvoie, l’épouser en somme et lui servir de mari ». Et de conclure l'auteur de l'article: « La vieillesse est ainsi l’âge où nous vivons l’intégralité de notre condition d’homme, et non seulement une partie tronquée de cette condition ».
Extrait
« La plus grande chose au monde, écrit Montaigne, est de savoir être à soi » : et c’est cela qui est donné avant tout à cet âge qu’est la vieillesse.
Texte
Montaigne et la vieillesse.
Une philosophie des âges de la vie
– I –
La vieillesse (c’est le terme que j’utiliserai ici, même s’il ne comporte évidement aucune connotation péjorative, ni d’ailleurs n’implique un âge canonique – Montaigne, dont je vais parler –, est mort à 59 ans), la vieillesse n’est pas seulement un fait biologique, caractérisé par des phénomènes de nécrose cellulaire. Elle est aussi une figure symbolique, comme l’est tout âge de la vie. Et une des choses qui distingue toute vie humaine d’une vie simplement animale est le caractère initiatique de cette symbolisation des âges.
Dans la philosophie