Montaigne essais i, considération sur cicéron
Considération sur Cicéron
Ce chapitre est l’occasion pour Montaigne de critiquer la tradition rhétorique antique dont il prend pour paradigmes Cicéron et Pline le Jeune. Il fustige leur style grandiloquent et leur quête de gloire que l’on retrouve même dans leurs correspondances privées.
Il s’opère dans ce chapitre une analogie entre l’entreprise épistolaire et l’entreprise des Essais. En effet, en exposant ce pour quoi il ne peut pas s’adonner à ces correspondances, Montaigne brosse non seulement un portrait au vitriol du genre épistolaire mais surtout, il dessine, en filigranes, les traits vigoureux de son style et dévoile la véritable visée de son écriture.
L’extrait s’organise en deux temps. Montaigne élève les deux problèmes qui se posent à lui quant au genre épistolaire : d’une part la question du destinataire, et d’autre part la tonalité propre au genre épistolaire.
L’extrait s’ouvre par une sorte de captation de bienveillance à l’égard du public. Montaigne déclare avoir son mot à dire au sujet des lettres, en invoquant l’opinion de ses amis. Cette exhortation est assez floue : « que je puis quelque chose ». S’agit-il d’entreprendre un travail épistolaire ou d’en faire la théorie, la critique ? La suite du texte nous révèle qu’il ne peut pas entreprendre ce travail épistolaire, et ce pour deux raisons. Et c’est en les énonçant qu’il va porter un regard critique sur ces correspondances publiques.
Première raison invoquée par Montaigne : il n’a pas le destinataire adéquat. Le subjonctif plus-que-parfait montre ici que l’éventualité d’un destinataire qui satisfasse Montaigne est irréalisable. Et de fait, ce parfait destinataire, il l’avait trouvé autrefois en La Boétie, dont il désigne leur relation par la périphrase : « un certain commerce qui m’attirât, me soutînt et m’élevât ». La périphrase reproduit pour ainsi dire par mimétisme le mouvement transcendantal de l’amitié entre La Boétie et Montaigne. La