Montaigne-erasme, deux projets pédagogiques
Le projet pédagogique de Montaigne, décrit essentiellement dans les essais I,24 et I,25, s'appuie en partie sur celui d'Erasme. Cependant, si Montaigne a été éduqué selon les préceptes d'Erasme dans son enfance, il n'en reste pas moins critique face au projet éducatif érasmien et s'en distingue sous certains aspects.
Certains thèmes abordés par Montaigne, tels que le soin à apporter dans le choix d'un précepteur, la formation précoce de l'enfant, ou encore une éducation exempte de violence, se rapprochent des principes éducatifs érasmiens. Mais, contrairement à Erasme qui attache plus d'importance à la mémorisation des savoirs acquis par « l'étude des belles-lettres » (Erasme, p. 477), le souci principal de Montaigne est de former l'élève à juger par lui-même en utilisant la matière qu'il aura apprise. Cette matière doit être constituée par l'enseignement d'une philosophie pratique, c'est-à-dire tournée vers l'expérience. L'enfant doit donc confronté les connaissances acquises à sa vie de tous les jours pour pouvoir se les approprier et développer une morale et son sens critique. « Ainsi les pièces empruntées d'autrui, il les transformera et confondra, pour en faire un ouvrage tout sien : à savoir son jugement, son institution, son travail et étude ne vise qu'à le former » (I,25, p.270). Montaigne insiste bien sur les facultés de jugement à acquérir plutôt que sur les contenus scientifiques à apprendre : c'est par la discussion et par la confrontation avec le monde des adultes et le monde en général (« et pour frotter et limer notre cervelle contre celle d'autrui, je voudrais qu'on commençât à le promener dès sa tendre enfance » I,25 p.272), bref par l'expérience, que l'enfant formera au mieux son entendement.
D'autre part, là où Erasme préconise l'enseignement de la philosophie par le biais de la littérature, Montaigne insiste aussi sur l'étude de l'histoire, considérée comme source d'exemples pour les élèves qui peuvent