Merveilleux 1
Si l'adjectif "merveilleux" apparaît dès le XIIe siècle, il faut attendre le XVIIIe siècle pour enregistrer les premiers emplois métatextuels du substantif en tant que désignation d'une catégorie littéraire. Lorsqu'ils entendaient signaler l'entrée en scène du prodige, du surnaturel ou du supra-naturel, les auteurs médiévaux parlaient de "merveilles" et non de "merveilleux", prenant ainsi en compte l'événement plutôt que l'écriture. De la merveille à l'émerveillement Autour de la merveille s'organise un moment textuel privilégié centré sur l'exhibition d'un événement, d'un être, d'un objet, d'un site dont le caractère discordantiel est mis en avant par la narration. La terre qui s'ouvre, un animal qui parle, une lance qui toujours saigne, un énorme bloc de pierre qui flotte sur l'eau, des objets qui d'eux-mêmes se meuvent, métamorphoses, monstres terrifiants, créatures hybrides, apparitions et disparitions, présences invisibles ... la "merveille" défie l'énumération aussi bien que l'entendement. Elle est ce qui ne saurait être, selon le cours ordinaire des choses. Elle exhibe les étrangetés du monde, fait advenir l'impossible. Mais le spectacle qu'elle offre n'est fait que de mots, qui, sous couvert de la représenter, en fait, la produisent, et cela jusqu'à la limite -rarement atteinte- de l'indicible. En déclarant leur impuissance à dire, les auteurs confèrent au merveilles sacrées et aux mystères du Graal la qualité d'un secret ineffable lesté d'une réalité supérieure. Au sens le plus large, la merveille est donc ce qui vient perturber le fonctionnement référentiel du texte dans l'ordre du visible et de l'invisible.
"Merveille" avait engendré le verbe "se mérveiller" (au sens de "s'étonner"), ainsi que quelques autres locutions verbales. Héritier du trésor fabuleux contenu dans le latin mirabilia, le substantif dénotait l'aspect objectif de l'événement mis en vedette, événement doté d'une existence en soi, indépendant de la fascination qu'il