Manon lescaut
A) Un portrait allusif de Manon :
Seuls quelques mots esquissent la silhouette de Manon. Le narrateur déjoue l’attente en ne donnant aucun portrait de Manon : « Charmante » ; « Fille » ; « Moins âgée » ; « Plus expérimentée ».
Aussi ténue que soit l’évocation de Manon, sa présence n’en est pas moins forte. L’emploi de l’intensif « Si charmante » donne un caractère hyperbolique à cette apparition.
L’adjectif « Charmante », qui qualifie Manon, peut se lire de deux façons : jolie ou ensorceleuse. Manon semble jeter un sort au narrateur. Les mots « charmant » et « charme » sont utilisés trois fois dans le passage. Le texte repose sur un balancement avant/après la rencontre. On passe ainsi d’un champ lexical de la timidité à un vocabulaire de la passion : « sagesse » ; « retenue » ; « excessivement timide » s’opposent à « enflammé » ; « transport » ; « amour » : « cœur » ; « désirs ».
L’apparition de Manon dessine une fracture dans l’existence de Des Grieux : le pronom « moi » répété en incise dans la phrase ligne 12 à 16 le souligne. Cette rencontre est aussi la première étape d’un apprentissage amoureux (semblable au roman picaresque) où la femme séductrice mène le jeu alors que le jeune héros, passif, subit le charme.
Noter la longueur inhabituelle de la phrase qui permet de décrire le processus de métamorphose du candide en amant passionné (« Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. »).
Un seul instant modifie immédiatement et pour toujours l’ordre des choses : la reprise de l’adverbe « déjà » le souligne (« L'amour me rendait déjà si éclairé » et « qui s'était déjà déclaré »).
B) La rencontre :
Elle appartient au domaine de l’instant, du coup de foudre : l’adverbe « tout d’un coup » et l’emploi du passé simple « je