Malade imaginaire
L’atmosphère du Malade imaginaire est sombre, aussi, du fait que bon nombre de figures inquiétantes, de Béline à M. Bonnefoy en passant par les médecins, gravitent autour d'un personnage central lui-même bien peu attachant. Ce bourgeois, passablement riche, et assez près de ses sous, qui a des manières peu raffinées sinon vulgaires, est malade, mais non pas dans son corps, comme il le pense; c'est son psychisme — son imagination — qui l'enfonce dans une relation obsessionnelle avec la médecine. Il est bien loin d'être aussi sympathique qu'un Monsieur Jourdain, cet égoïste absolu, parfaitement introverti, qui ne fait montre d'aucune affection pour les siens. Loin de les aimer, il les utilise: Béline n'est qu'une garde-malade et sa fille, qu'il veut d'ailleurs méchamment déposséder de son héritage (I, 7), ne l'intéresse que parce qu'elle pourrait faire entrer un médecin dans la famille. Sourd au propos rationnel de ceux qui tendent à le débarrasser de ses lubies et à le mettre en garde, Argan n'est détrompé que grâce au stratagème de Toinette et de Béralde; c'est à ce prix qu'il ouvre enfin les yeux et reconnaît ceux qui l'aiment vraiment.
La peur de la mort cloue notre malade « imaginaire » sur son fauteuil et lui fait idolâtrer les médecins. Son égoïsme et son aveuglement ne cèdent ni devant la raison, ni devant les sentiments. Il prétend aimer sa femme et ses enfants, mais il n’en est rien : il aime par-dessus tout l’idée d’être malade. A la fois bourreau et victime, prêt à tout sacrifier à sa passion de la maladie, il croit en la médecine qu’il imagine être un rempart contre la mort. Comme lui dit son frère : « il n’a pas moyen de vous guérir de la maladie des médecins».
Toinette, véritable « Scapin fait femme », connaît parfaitement son « malade » et ceux qui l’entourent. Elle imagine des situations et des rencontres inattendues pour amener le faux « malade » à éviter le drame dans lequel il se