La lutte contre les discriminations est désormais l’objet d’un large consensus qui ne souffre que de quelques exceptions sur l’échiquier politique. Ce consensus n’est cependant qu’une apparence dans la mesure où il masque des divergences profondes en terme de définitions de l’objet « discrimination », d’une part et de grilles explicatives sur leurs origines et leurs fonctions sociales, d’autre part. Le concept s’apparente ainsi à un « concept valise » pour reprendre l’expression de Bourdieu, c'est-à-dire un concept dont l’indéfinition forge à la fois le consensus et l’inanité heuristique. Le fait que plusieurs catégories de dominés s’emparent de ce concept et y reconnaissent un écho du réel inégalitaire subi nous amène cependant à ne pas abandonner le concept. Il s’agit donc pour nous de mener le combat théorique et épistémologique sur le contenu du concept pour qu’il soit dégagé des gangues de l’idéologie dominante visant à anesthésier sa portée contestatrice.

2Les ambiguïtés du concept présentes pour toutes les discriminations sont encore plus massives lorsqu’il s’agit d’aborder plus spécifiquement les « discriminations racistes ». En témoigne la multiplicité des expressions utilisées : discriminations ethniques, discriminations raciales, discriminations en fonction de l’origine, etc. Cette multiplicité doit pour nous être, elle-même, un des aspects de la déconstruction théorique à laquelle nous consacrons ce numéro. Au-delà ce sont les grilles explicatives de l’origine des discriminations racistes qu’il s’agit de mettre en débat. Le discours dominant, tant dans le discours politique que dans certains travaux à prétentions savantes, prend pour base un paradigme culturaliste et/ou individualisant, masquant ainsi les fonctions sociales des discriminations racistes.

3Il s’agit donc dans ce numéro d’approfondir la réflexion sur les origines et les causalités des discriminations racistes d’une part, sur les processus de production et de reproduction de