Litérrature
Roger LESGARDS,
Presses de Sciences Po, Paris, 1998.
Un certain nombre d’explications à l’aventure spatiale des hommes peuvent être avancées. Elles se situent à différents plans.
Au niveau le plus profond, se tiendrait une sorte de rêve collectif enfoui au creux des soutes de la « nature humaine » et qui conduirait l’espèce à tenter d’échapper à sa condition, à toujours vouloir prendre son envol, à transgresser les frontières de sa demeure terrestre. Icare, Cyrano de
Bergerac et quelques autres sont appelés à la barre pour témoigner de cette pulsion profonde. Un tel désir venu des profondeurs alimenterait les mythologies les plus anciennes. Il rejoindrait aujourd’hui la question de la technique dans la mesure où, en la confiant à l’homme (sous la forme du feu…celui des fusées ?), Prométhée aurait conféré à ce dernier un destin diabolique, le portant à la démesure. Hypothèses par définition invérifiables, indiscutables et donc non scientifiques.
Prenons comme telle l’idée d’un éventuel désir collectif d’évasion, d’une possible tension vers l’ailleurs, d’un irrationnel « en manque » d’infini, d’une aspiration à sortir, à échapper à la finitude.
Deuxième galerie située à proximité de la veine précédente : celle du besoin qu’éprouverait l’homme contemporain à retrouver, dans un ciel qu’il sait désormais vide d’une présence divine, dans un cosmos où les grands mythes ont perdu de leur force explicative devant les avancées du savoir scientifique, une forme renouvelée d’élévation, de transcendance dont il serait lui-même le créateur. L’aventure spatiale constituerait alors, aux yeux des hommes, l’amorce et la promesse d’un nouveau grand récit. Ce serait une deuxième source qui alimenterait non plus tellement une conquête de l’espace, mais une quête vieille comme l’humanité, celle de sa propre origine, de son identité, de sa spiritualité. L’aspect scientifique de l’aventure spatiale trouverait