Littérature
Marta Caraion, « Objets en littérature au XIXe siècle », Images Re-vues [En ligne], 4 | 2007, document 1, mis en ligne le 01 janvier 2007, consulté le 24 août 2012. URL : http://imagesrevues.revues.org/116
En admiration rêveuse devant l'échoppe d'un brocanteur (puesto de un anticuario), les sœurs Vatard fixent leur désir sur « une table de nuit à coulisse, un meuble luisant comme du soleil, avec son acajou nouvellement plaqué »[1] : on se perd, comme elles, dans la contemplation de la panoplie de choses que la littérature du XIXe siècle met sous nos yeux, on passe des meubles de la pension Vauquer aux rayons de lingerie fine du Bonheur des dames , du foisonnant atelier de Coriolis dans Manette Salomon à la collection du Cousin Pons, soudain arrêtés dans notre flânerie (callejeo) par tel objet qui se détache de l'ensemble et retient l'attention. La scène du marchand de bric-à-brac est récurrente dans la littérature du siècle : un personnage entre dans un magasin qui regorge d'articles de tous les âges et de tous les coins du monde, et jette son dévolu sur l'objet qui immédiatement se présentera à lui comme le seul qui compte[2] et qui bouleversera son existence. L'épisode est archétypal ; dans le récit du XIXe siècle, les objets reproduisent cette même configuration : parmi un nombre incalculable de choses accumulées que les textes évoquent et disposent pour échafauder un cadre, quelques-unes prennent un sens particulier, et précipitent l'action autour d'eux. Lorsque les objets entrent en littérature dans la première moitié du XIXe siècle, et s'y installent dans le confort bourgeois que le réalisme a pour but de restituer, leur première fonction - la plus visible et la plus durable - sera de construire un univers référentiel. Les personnages gagnent des généalogies, ils sont dotés d'histoires familiales, et ils possèdent, convoitent, acquièrent des choses. Celles-ci, par un phénomène d'échange symbolique, vont les représenter, en signifier le